Faites entendre votre voix avec moi à l’AVICOM…

En octobre, je présenterai au colloque AVICOM à Montréal. Cette année, trois institutions françaises seront présentes : le musée du Louvre, le Château des ducs de Bretagne et le Centre Pompidou. Pourtant, la culture française se compose de tellement d’autres institutions, plus petites, dans ou hors de Paris, parfois extrêmement inventives, qui tentent des choses dans le domaine du numérique – on trouve aussi des expériences telles que Muséomix, dont je reparlerai bientôt. Elle se compose aussi de tout un réseau appelé museogeek, qui au quotidien écrit l’approche culturelle de demain.

C’est pourquoi j’ai décidé que ma tribune serait également la tribune de toutes ces personnes. Pour ce faire, je présenterai le point de vue de chacun via des QRcodes diffusés pendant ma présentation, qui donneront accès à une page de site mobile permettant de retrouver ces points de vue divers.

Pour composer cette page, je vous invite donc à réagir à la note d’intention que je reproduis ci-dessous. Faites-le de la manière la plus libre possible (réaction à ce que j’écris, nouvelle tribune, série de liens illustrant les propos ou les contredisant, etc.).
[PS : Merci C. Courtin pour avoir repéré mon erreur sur le nombre d’institutions françaises présentes]

Introduction :

Le domaine culturel français est façonné par des débats extrêmement structurants à propos de médiation et de démocratisation culturelle. A l’heure où son économie est en complète évolution, l’apparition des outils numériques ainsi que des cultures et pratiques Web permet d’aborder enfin ces questions en proposant des solutions innovantes autour de la réappropriation des contenus par les publics ; mais à quel prix?

Du point de vue de la grande institution pluridisciplinaire qu’est le Centre Pompidou – mais sans oublier la diversité des structures sur le sol français – , je tenterai de dresser un panorama rapide des besoins et contraintes que le numérique apporte aux pratiques professionnelles du domaine culturel. J’aborderai aussi les questions de la réception active par les publics : quelle décentralisation des échanges et du pouvoir lié au savoir? Quels modèles de création collaborative pour quels buts?

Note d’intention de la communication :

Mon intervention sera distribuée en trois parties de 5 minutes, permettant de prendre en compte trois angles de vue nécessaires à la bonne compréhension du phénomène numérique dans les musées français. En tant que membre d’un centre d’art, mon expérience permettra d’ailleurs de traiter de manière large de la façon dont les enjeux numériques prennent place dans les institutions culturelles françaises et non seulement les musées.

 

1) Permettre le re-empowerment.

L’histoire du musée commence avec la volonté révolutionnaire de créer un patrimoine culturel national, possession de tous les citoyens. Si le développement du domaine culturel a rendu cette utopie difficilement lisible à travers les siècles et même à l’aune d’une histoire de la muséographie et de la médiation, cet enjeu est de plus en plus vif à mesure que des mouvements théoriques justifient un aller-retour constant entre les phénomènes culturels et le quotidien des populations. On a pu constater combien le numérique facilite cet aller-retour.

L’apparition de ces enjeux constitue une période de transition importante que nous avons le devoir, en tant que professionnels du numérique d’institutions culturelles, d’accompagner et d’amplifier. J’aborderai la question de l’écosystème numérique en dressant un panorama rapide de l’état du numérique dans le domaine culturel institutionnel en France. Tout ceci aura pour but de montrer l’évolution que le numérique apporte à la question de démocratisation de la culture en France.

L’exemple que je traiterai alors sera celui de la mise en place de l’écosystème du Centre Pompidou Virtuel, autour d’une base de données exhaustive des ressources du Centre Pompidou et d’un espace personnel destiné à devenir une véritable plateforme de production collaborative et de personnalisation de la pratique numérique (et physique) des contenus. Les autres éléments du dispositif, qui créent la cohérence de l’expérience que le public aura de l’écosystème, seront traités au sein des deux parties suivantes.

2) Aider à la mise en place d’un agenda culturel.

L’apparition récente d’outils facilitant les tentatives participatives (réseaux sociaux, cloud computing, appareils mobiles, etc.) a créé une fracture médiative dans les pratiques institutionnelles. Même dans une institution comme le Centre Pompidou, qui a dès sa création cherché à mettre en place des politiques d’inclusion des publics dans les démarches artistiques (nouvelles formes de médiation basées par exemple sur les ateliers), on peut trouver deux postures très différentes.

La première s’inscrit en continuité des politiques culturelles qui, malgré une évolution dans les années 80, considèrent le rapport du public à l’art comme une découverte d’un monde étranger, basé sur la légitimité (présumée) de celui qui parle par rapport à celui qui écoute. Les partisans de cette approche utilisent relativement peu les outils cités ci-dessus et ont du mal à les aborder.

La seconde posture – qui conduit l’action numérique au Centre Pompidou – tire les enseignements de ces pratiques de médiation et opère un changement radical dans ses conceptions. De  nouveaux horizons d’attente des publics sont envisagés : en considérant ceux-ci comme des amateurs et en remplaçant la notion de légitimité par celle de savoir situé, il est alors possible de leur faire espérer un dialogue sensible et savant sur l’art.

Ainsi, cette deuxième posture permet de redistribuer le pouvoir symbolique habituellement attribué à l’institution culturelle et de renforcer l’agency des publics sur les politiques culturelles. Mais comment mettre en place et encourager cette nouvelle forme d’appropriation créatrice en conservant les missions liées à l’institution (conservation, diffusion, étude, etc.) ?

En traitant concrètement de l’approche pluridisciplinaire offerte aux publics, à travers l’évocation de quelques dispositifs, je tenterai ici de montrer qu’il semble possible de concevoir un rapport riche et complexe du public, de l’institution et des contenus, en respectant les enjeux ou missions liés à chacun des trois termes.

 

3) Repenser les perspectives de l’action culturelle.

Après avoir montré comment l’institution devait aider à l’émergence de nouvelles pratiques afin de les co-construire au regard de ses missions traditionnelles, il s’agira ici de se placer du côté des publics. Au travers d’exemples tirés des pratiques des publics du Centre Pompidou, je définirai ce que les pratiques nouvelles engendrent dans la création des contenus.

Comment la création collaborative peut-elle redessiner un savoir collectif ? Est-il différent du savoir institutionnel ? Est-il conditionné aux outils actuellement proposés ou est-il une construction immanente qui s’adapte en attendant que des dispositifs ad hoc soient créés ? Faut-il l’encourager ou est-il une force susceptible d’apparaître seule ?  Et dans quelles conditions ? Je questionnerai aussi bien les créations collaboratives, que les phénomènes de partage et de curation : la recommandation sociale concernant le e-commerce (que nous devons également considérer au regard de nos problématiques de ROI des investissements numériques) s’applique en effet aux contenus, créant une sorte de goût collectif des communautés agrégées autour de nos institutions.

D’autres formes d’action collaborative existent au-delà des contenus et du e-commerce : elles ont trait au financement direct, comme dans le cas du crowdfunding. Couplée à une capacité d’agir (agency) que l’institution pourrait renforcer, le crowdfunding pourrait à terme peser sur les perspectives de l’action culturelle de l’institution. Nous devrions nous demander dès maintenant, alors que nous structurons les habitudes sur les plateformes numériques, si celles-ci sont destinées à devenir des interfaces de pouvoir financier décentralisé. Le financement collaboratif sera-t-il dans le futur un financement sur lequel nous devrons compter, ou simplement une marque d’engagement fort ? Devons-nous agencer la production des contenus sur les modèles économiques nouveaux issus des impératifs numériques et des contraintes particulières du web de données (données brutes gratuites, licences nouvelles, éditorialisation payante, par exemple) ?

Ces questions permettront de repenser les perspectives de notre action culturelle sur le court, moyen et long terme, en développant des outils adéquats aux différentes missions données à ces plateformes numériques. Au travers des points de vues des professionnels, de l’institution et des publics, elles permettront de poser les bases d’une identification des publics dits experts ou amateurs, de définir les périmètres de leurs actions laissés libres par l’institution et ce que celle-ci devra leur mettre à disposition en terme d’outils et de contenus afin de remplir ses missions, traditionnelles ou nouvelles.

9 Commentaires

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  2. Guillaume Ansanay-Alex

    Gonzague, tu pourras lire le début de ma réaction sur la page Facebook de Carpe Webem 🙂 Ta note d’intention est déjà équilibrée et témoigne d’une approche holistique (oui, j’aime bien ce mot-là). Je me suis arrêté là-bas sur ces mots :

    J’applaudis à ce projet ambitieux qui en lui-même se répond au sujet de la co-création et du transfert de légitimité entre celui qui parle/écrit/crée et celui qui écoute/lit/regarde.

    Qu’est-ce qui va me porter à participer à un processus de co-création sur un sujet qui n’est pas, ou pas tout à fait mien, sinon la légitimité que je m’accorde ? Dans un panel de visiteurs on rencontrera une variation continue d’un extrême nocif à l’autre, de la retenue par trop modeste à son absence totale et qui serait pourtant justifiée.

    En ce qui me concerne je dois me faire violence pour publier ainsi une réaction sur ces questions qui, bien qu’elles me tiennent à coeur et occupent une bonne part de mes lectures, ne reposent sur aucune formation initiale dans un quelconque domaine relatif à l’art ou aux sciences humaines concernant sa médiation. Et j’ajoute que dans un processus de co-création je serais plutôt de ceux qui n’osent intervenir avant de se sentir stable et sûr de mes références, souvent obtenue de mes pairs et pères.

    Parallèlement, qu’est-ce qui va me porter à m’intéresser au résultat d’un processus de co-création, si ce n’est la légitimité que j’accorde à ses participants, que mon échelle de valeurs soit ou non pertinente, qu’elle accorde ou non de la valeur aux diplômés d’Etat, aux amateurs éclairés ?

    Si les dispositifs numériques apportent le media de la co-création, comment déplacent-ils la question de la légitimité de soi et des autres ?

  3. Chevrefils-Desbiolles

    Sur ces questions j’ai apporté quelques éléments d’analyse dans un rapport que j’ai rédigé pour le Ministère de la culture et de la communication intitulé « L’amateur dans le domaine des arts plastiques. Nouvelles pratiques à l’heure du web 2.0 » (mars2012).
    Ce rapport est en ligne sur le site du MCC: http://www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Arts-plastiques/Documentation-arts-plastiques.
    Il a été présenté à Brest le 13 juillet 2012 dans le cadre du Forum des usages coopératifs : http://a-brest.net/article10810.html où j’ai abordé plus spécifiquement les questions de transmission (médiation et formation). La table ronde sur « Les lieux de création et de diffusion artistiques » a permis de présenter des expériences menées par des structures et des artistes permettant de comprendre comment le numérique peut permettre de créer un nouvel environnement relationnel entre institution/artiste – oeuvre/projet – usager/public/apprenant.
    Des expériences de terrain (ici hors musées) à partager, à développer, à discuter….
    Annie Chevrefils Desbiolles

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  5. David

    Bonjour
    Vous oubliez le musée des cultures guyanaises qui présente son musée virtuel. Certe ce n’est pas la France métropolitaine…
    Bon séjour au Québec

  6. Sébastien Magro

    En ce qui concerne le point n°1, je te suggère de regarder du côté des éco-musées qui, d’un point de vue historique, constituaient la première forme de (ré ?)appropriation des musées par leurs visiteurs, comme je l’ai souligné avec cette note de lecture.

    J’ai hâte de découvrir ton choix d’exemples pour le point n°2 ! Penses-tu relier la notion de fracture médiative à celle de fracture numérique ? Il me semble qu’elles ont en commun le fait de reposer sur des pratiques différentes, inhérentes à la culture des personnels de musée, et pas seulement liée à leur degré d’appropriation de « la chose numérique ». Enfin, je crois que l’ouverture vers la question du financement, à travers le crowdfunding, dans le point n°3 est très pertinente.

    D’un point de vue pratique, peux-tu en dire davantage sur le dispositif ? Tu as parlé de QR code qui mèneraient vers les réactions de la communauté, comment imagines-tu les valoriser ? Penses-tu citer les participations et insérer les QR code au fur et à mesure ? Vas-tu expliquer le dispositif en préambule à ton intervention ?

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